Histoire: 15ème et 16ème siècles


Aucune mine d'or n'étant exploitée à cette époque sur le territoire français, l'or des Hôtels des Monnaies provenait essentiellement du recyclage et de l'orpaillage.

De nombreux seigneurs interdisant ou taxant l'orpaillage et l'activité minière sur leurs terres, en 1414 Charles VI posa les bases d'un statut de l'activité minière et de l'orpaillage et rétablit le droit royal de régale qui avait été détourné à leur profit par les seigneurs.

Nicolas Gobet, 1778
Recherches historiques sur la Jurisprudence
et l'exploitation des Mines de la France :

Louis XI s'attacha à poursuivre le développement de la recherche et de l'activité minière très en retard en France ainsi que la récolte de l'or en rivière: dans de nombreux actes (comme ce mandement de 1472), il rappelle les lois qui protègent les Doriers et ceux qui sont commis pour cueillir et amasser l'or de pailloles, il prend des dispositions contre des seigneurs opposants:
-Nul ne peut cueillir et amasser l'or des montagnes, graviers, rivières et ruisseaux sans avoir congé (permission) des Généraux Maistres de Monnaies (nommés par le roi) ou de leurs commis.
-Le fruit des récoltes doit être porté aux Hôtels des Monnaies de Montpellier, de Toulouse ou autre prochain pour que l'or y soit oeuvré et monnayé afin qu'il ne soit pas transporté hors du Royaume. Cet or est la propriété du Royaume et non celle du propriétaire des sols.
-Pareillement nul d'aucune condition que ce soit ne peut empêcher ou retarder ceux qui ont congé à cueillir et amasser ledit or, nul ne peut les imposer, les rançonner, les vexer, les mettre en procès, les excommunier, leur confisquer leurs outils et leurs tables comme il a été rapporté.

Les préoccupations du Roi qui motivèrent ce mandement sont clairement exprimées:
les Cueilleurs d'or de Pailloles récoltent chaque an de cinq à six cents Marcs d'or (de 122 à 146 Kg) dont il vient un très grand profit au Royaume et à la chose publique. Sans cet or, les Hôtels des Monnaies seraient au chômage et sans ouvriers.

Les faits suivants furent rapportés au roi:
Un nommé Guillaume de Béanhols, seigneur de St Michel et autres se sont procurés des lettres de patentes subversives et se sont efforcés d'empêcher que les doriers et ouvriers ayant congé et licence n'aillent sur leur terres pour y cueillir et amasser l'or de pailloles afin de les rançonner et de lever sur eux des impôts.

Un autre nommé Maulaignon de Pellebarbe Escuyer Sieur de Yuerne s'est efforcé d'empêcher d'entrer sur ses terres les ouvriers et doriers qui avaient licence et congé d'aller cueillir l'or de  pailloles , il les a faits cités et admonestés par les juges ecclésiastiques, par telles vexations et par force de procès les a voulu rançonner et les a contraints à s'obliger envers lui de certaines sommes de deniers pour la seule cause et raison qu'ils avaient cueilli et amassé l'or de pailloles en lieux joignant ses terres, il leur a fait promettre par la justice de ne plus s'approcher de ses terres à vingt pieds près.

A l'exemple de Maulaignon, les autres seigneurs qui ont terres près des rivières du Royaume se sont efforcés d'empêcher qu'on n'entre ou qu'on n'approche de leurs terres pour y cueillir l'or de pailloles sans leur propre congé et licence. Ce qui est bien nouveau et qui est préjudiciable au Royaume et à la chose publique car par ce moyen, ils pourraient sans congé ni licence des Hôtels des monnaies faire lever et cueillir près de leurs terres l'or qui appartient au Royaume ou pourraient imposer charges et impôts à ceux qui ont congé et licence pour cueillir et amasser le dit or. A cause de telles charges cet or pourrait demeurer en place sans être cueilli et par ce moyen serait ou pourrait être perdu car les crues qui le déposent, le transportent derechef en un autre lieu s'il n'est diligemment cueilli. De plus s'il s'avérait qu'il soit cueilli et amassé sans licence et congé des Hôtels de Monnaies, chaque seigneur particulier pourrait en faire transporter à sa volonté hors du Royaume.

Les seigneurs cités sont condamnés à dédommager et à restituer leurs biens aux Cueilleurs d'or de Pailloles, ils pourront y être contraints par la prise de leurs biens, meubles et immeubles jusqu'à ce qu'ils se soient exécutés. Ils devront dorénavant laisser oeuvrer tranquillement les ouvriers Cueilleurs d'or de Pailloles patentés, défense leur est faite de les empêcher, de les molester ou les de imposer comme il a été rapporté. Il est rappelé que les seuls juges en la matière sont les Généraux Maîstres de Monnaies, à qui il est mandé de garder et de faire observer les ordonnances Royales. Les opposants à l'application de ces mesures seront contraints être et à comparaître devant les Généraux Maistres des Monnaies en la Chambre et Auditoire des Monnaies, au Palais à Paris, pour dire les causes de cette opposition et pour répondre au Procureur.

Cette libéralisation de l'accès aux terrains prospectés fit que l'orpaillage se développa et s'intensifia de la renaissance jusqu'au début 19 ème siècle, lorsque Napoléon rendit obligatoire par le Code minier l'autorisation des propriétaires des terrains ; les Cueilleurs d'or de pailloles furent alors chassés de leurs lieux favoris par les propriétaires des rives.

L'Hôtel des monnaies de Villeneuve-lès-Avignon a pu être rouvert le 2 août 1543 grâce à l'orpaillage de la Cèze et des Gardons.

Cette activité fut pratiquée par les bergers et paysans, les femmes et les enfants pendant les périodes d'inactivité et après les crues sur le Rhin, le Rhône et ses affluents, les rivières des Pyrénées et des Cévennes, l'Hérault. L'orpaillage se pratiquait à la batée de bois, mais aussi à l'aide de toisons ou d'étoffes placés judicieusement dans le lit de la rivière ainsi qu'à l'aide de tables de lavage proches des sluices actuels:

Orpailleurs du XVIème siècle
(Agricola, 1556, De Re Metallica)

Orpailleurs du XVIème siècle
(Lazarus Ercker, 1554)

L'or minier à cette époque reste un sous-produit extrait des autres productions minières et a peu d'importance économique.

L'or du nouveau monde rapporté par les Espagnols au XVIème siècle ne profite pas au royaume de France mais il crée en Occident une augmentation très importante de la masse monétaire. Huit milliards de livres d'or et d'argent sont expédiées en un siècle alors que la masse monétaire de l'Occident à la fin du  XVème siècle n'atteignait pas plus d'un milliard. Conséquence de cette avalanche d'or et d'argent, le prix du blé triple en moins d'un siècle et le pouvoir d'achat de la livre tournois baisse de quatre cinquièmes dans le même temps. D'autre part, la cupidité des Espagnols leur fera remplacer les populations autochtones vite décimées par de robustes esclaves achetés en Afrique. L'or du nouveau monde est ainsi à l'origine de la "traite des nègres", de l'esclavage en Amérique, de son peuplement noir actuel, de la disparition des civilisations précolombiennes et de leur patrimoine culturel.
Économiquement parlant, cet or est à l'origine d'un mercantilisme entraînant un fort développement des activités et des échanges commerciaux qui amènera l'occident au capitalisme et à l'industrialisation...

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