L'Orlina

Cette minuscule rivière des Pyrénées catalanes au toponyme indicateur est issue du massif des Albères maritimes versant espagnol dans le Alt Amporda. Prenant sa source près de la frontière franco-espagnole entre le col de Banyuls et celui de las Eres, elle s'écoule près de zones à filons de quartz et, comme la Baillaury qui descend sur Banyuls sur mer, elle charrie des particules d'or. C'est un tributaire aurifère bien connu de la Muga, très souvent cité, la confluence s’effectue près de Peralada au nord-est de Figueras, à peine à une vingtaine de kilomètres de sa source.

Placer orpaillé de l'Orlina près de Rabos :



Un affleurement de filon de quartz sur près de 300 m près de San Quinze de Coléra est visible de la route à l'approche de Rabos, situé dans bassin versant de l'Orlina  il témoigne de la présence de filons de quartz dans cette partie schisto-gréseuse des Albères affectée par un long travail d'érosion :

Vue aérienne de l'affleurement quartzeux :



Le même en 3D avec vue sur la mer...




Citée au XVIIème siècle par le géographe Catalan Pere Gil (1551-1622) comme rivière aurifère catalane ou l'on cueille de l'or, avec le Sègre et le Rio Tordera au nord de Barcelone :
 "El nombre de este río se debía a que, siglos atrás, su arena contenía partículas de oro".

L'Orlina devrait donc son nom aux particules d'or que contenaient ses sables, les siècles passés, autrement dit à ses qualités aurifères réputées depuis le moyen-âge au moins.

Au XIXème siècle dans un dictionnaire géographique,
 cela ne serait plus qu'une croyance des anciens de l'antiquité...

 

Elle a très certainement été orpaillée depuis les temps les plus reculés comme l'ont été de nombreux
petits cours d'eau pyrénéens prospectés dès l'âge du bronze et qui devaient alimenter le commerce pyrénéen d'or avec les phéniciens.
Les Albères, comme les Aspres, abritent de nombreux dolmens témoins de l'occupation des lieux par les hommes de ces temps reculés, dont on sait si peu de choses.



Un premier prospect à l'aval du petit village de Rabos révèle effectivement que de gros blocs de quartz volants sont charriés et déposés dans le lit shisto-gréseux de l'Orlina.


Gros blocs de quartz dans le lit de la minuscule Orlina


 
Le bedrock schisto-gréseux est facilement accessible :


Le grattage de ce bedrock et de ses fissures donne effectivement  quelques rares paillettes d'or. Les particules d'or citées par les auteurs hispaniques sont bien réelles, mais on devrait trouver mieux...

Ce cours d'eau atypique semble ne jamais être totalement à sec, "gourgs" et retenues constituent d'excellents stocks d'eau en bassins d'écoulement, réserves naturelles rarissimes et précieuses pour tous dans ce secteur particulièrement aride. Cette rivière a d'ailleurs pour réputation d'être très souvent épargnée par la sécheresse.

Une autre prospection à l'amont presque immédiat du village de Rábos révèle une configuration intéressante : la rivière s'écoule sur un lit de grès relevé à 45° et une retenue artificielle d'aspect moyen-âgeux y provoque par effet de barrage un très fort ralentissement pendant les crues qui semble favoriser le dépôt de très très gros boulders.

L'Orlina à l'amont du barrage de Rabos


Les traces d'orpaillage sont nombreuses : failles vidées de leurs alluvions, trous béants, boulders retournés...
 




Mais le grattage de failles du grès ne me donne que quelques fines paillettes comme à l'aval de Rabos.

Je découvre alors que d'énormes trous non rebouchés ont été creusés derrière les plus gros boulders, la plupart semblent très récents car la mousse n'a pas encore eu le temps de les envahir.




Il a fallu beaucoup d'énergie à ces orpailleurs pour remuer et retourner ainsi ces boulders si pesants et si bien noircis !
L'ampleur du chantier semble indiquer une très grande motivation...

Certains boulders sont de taille impressionnante, de véritables menhirs, on croirait la carrière d'Obélix. C'est étonnant pour un si petit cours d'eau, ils sont si roulés que leur érosion date d'une autre ère et a une origine fluviatile importante équivalente au paléo-Tech en Catalogne Nord, probablement des vestiges d'une paléo-Muga.



Des tonnes d'alluvions ont ici été récemment extraites et passées au sluice. On n'entreprend pas de tels travaux juste pour quelques paillettes...

Je décide de tester sous le gros bloc de quartz blanc bien roulé, j'y trouve une couche d'alluvions bien grasses qui est encore collée sous lui et je suis certain qu'il y aura des lourds là dedans.



Effectivement sables lourds et particules d'or sont bien présents sous ces très gros boulders.

Pan de sables lourds :
Hydroxydes de fer non magnétiques, plombs, grenat

Or et grenats de l'Orlina, en macro:

L'or récolté ici est constitué de belles "particules" parfois pépitiques et quartzeuses, peu roulées et très découpées, seulement 1 à 3 occurrences par batée sur les meilleurs coups pour cette fois, mais j'ai le sentiment que les exploitations au sluice réalisées par les autochtones des diverses époques ont dû donner de belles pièces et que les premiers à travailler là ont certainement découvert des concentrations avec d'excellentes teneurs.

 

 
De nombreuses informations précieuses sur l'or et les cours d'eau catalans aurifères sont regroupées dans l'ouvrage universitaire de Manuel Viladevall Solé consultable en ligne :
 La prospección de placeres de oro y otros minerales densos


Les écrits (en Catalan) du géographe Pere Gil à propos des 3 rivières où l'on cueille de l'Or en Catalogne en 1600 :






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